Sur la voie de la subjectivation
Le 14 décembre 2024, l’ACF en Corse – Restonica a organisé de manière conjointe laJournée clinique du groupe « a criatura » (CEREDA) et du laboratoire du CIEN de Bastia« L’enfant auquel vous avez pensé ». Cet évènement s’est déroulé sous l’égide d’Hélène Deltombe, psychanalyste, membre de l’École de la Cause freudienne et avait pour titre : « Les usages du diagnostic dans la clinique de l’enfant. »
La matinée est consacrée à la clinique. Les cinq vignettes présentées sont autant d’instantanés qui décrivent notre époque, celle dans laquelle nous exerçons et dont nous devons prendre en compte la subjectivité, comme nous y invitait Jacques Lacan dont
l’enseignement nous sert de boussole.
Toutes se sont fait l’écho de la mutation civilisationnelle que nous vivons, où chaque « symptôme », « raté », « comportement déviant à une norme » doit correspondre à un diagnostic. Cela semble indiquer qu’à l’époque qui est la nôtre, le symbolique est supplanté par l’imaginaire, la métaphore par la métonymie. Ainsi, il est courant qu’un sujet ou que des parents puissent décrire leur enfant tout à la fois ou successivement, comme TDI, autiste, hyperactif, bipolaire, HPI, etc., sans aucune hiérarchisation. Tous ces diagnostics sont cités comme s’ils étaient équivalents, interchangeables et se fondent uniquement sur l’observable, le comportement. Quid de la parole ? Celle de l’enfant, de l’adolescent, mais aussi celle de sa
famille, celle qui a préexisté à sa venue ? Quid de ce qui le cause ?
Lors de cette matinée, nous avons pu nous enseigner sur la manière dont le praticien orienté par la psychanalyse accueille les diagnostics, les subvertit. Cela permet comme l’écrit Élodie Vittori dans l’argument de cette Journée, que l’enfant puisse entrer dans le discours analytique. Via le transfert, le sujet entre dans le processus de subjectivation. Les cinq cas présentés l’ont démontré comme l’a souligné Hélène Deltombe. Les ponctuations de notre invitée ont amené une lecture borroméenne de la clinique contemporaine. Si à présent la dimension imaginaire prédomine avec la nécessité d’un diagnostic pour étiqueter le malaise de l’enfant quel que soit son âge, le praticien éclairé par la psychanalyse lacanienne, lui, s’oriente du réel, et il peut permettre au sujet de symboliser ce qui fait symptôme.
Enfin, tout au long de la matinée, nous avons entendu pour chaque cas, combien la pratique clinique orientée par la psychanalyse lacanienne ne peut être standardisée. Elle est l’envers des protocoles, des plateformes. Elle ne peut être prédictive car chaque rencontre est singulière et à chaque fois la portée de nos actes ne se vérifie que dans l’après-coup. Ce qui a fonctionné dans un cas est unique et non reproductible dans une autre situation. Hélène Deltombe s’est attachée pour chaque cas, à montrer les conséquences des actes des praticiens et combien ces derniers visent un effet de subjectivation. Ils permettent que le symbolique vienne habiller les apories imaginaires et donner consistance au sujet en lui permettant de subjectiver sa souffrance. En effet, si à notre époque, l’être humain est de plus en plus réduit, voire se réduit de plus en plus, à son comportement ou à une parole performative, le discours analytique lui permet de construire la marque de sa singularité.
Amélia Martinez