Retour de Bruxelles

Pipol 11 « Clinique et critique du patriarcat » s’est terminé sur la chanson de Stromae, Papaoutai. Le titre de notre Colloque d’octobre est donc dans le droit fil de ces deux Journées. « On n’en a pas fini d’explorer les conséquences de la chute du père » selon la formule de Laurent Dupont, en clôture de ce Congrès.

Les Simultanées de samedi, dans une série de cas exposés, ont mis en relief comment chaque sujet invente ou réinvente, bricole un père à sa mesure ou encore contourne, détourne s’arrache d’un trop de père. Il était souvent question de psychose ordinaire mais qui reste ordinaire « du fait de la pratique des cliniciens » comme le souligne Agnès Afflalo. La psychanalyse qui interroge le patriarcat soutient les inventions du sujet : « se faire un père », « restaurer le père » sont les formules qui soulignent cette nécessité de s’en passer tout en s’en servant.

L’évaporation du père ne veut pas dire que le père disparaît. Le paradoxe contemporain est que plus le père faiblit plus il se réinvente. Ses figures se renforcent. Le père se décline de plusieurs façons, et la succession des interventions de la Plénière a permis de suivre, à travers le monde, ces figures éclatées du père et leurs conséquences, dans le domaine de la religion, de la culture, de la morale chrétienne. États-Unis, Argentine, Iran, autant de pays où les révoltes féminines témoignent que le patriarcat est « le nom de la matrice de la domination qui structure notre époque » indique Christiane Alberti. Si en Iran, selon Chahla Chafiq, sociologue, écrivaine, les femmes sont sous le joug de la religion avec l’obligation du voile, la surveillance est pour tous.

Nous attendions Manon Garcia, philosophe, qui interroge, avec son travail, le patriarcat et la soumission des femmes, mais un empêchement de dernière minute a modifié la séquence qui lui était consacrée. Clotilde Leguil et trois autres psychanalystes, au pied levé, ont débattu à partir de leur lecture de l’œuvre de cette philosophe. Les conclusions de ce débat ont permis de se décaler de la question du pouvoir patriarcal, du masochisme féminin pour aborder la jouissance dans son articulation au surmoi.

Il est très difficile de rendre compte de chaque exposé. Voici quelques formules saisies au fil de la Journée : « le féminisme est la réponse à l’impossible représentation de la femme » – Neus Carbonell, « dans les cures, le patriarcat est le nom de la persécution de la langue de l’Autre. Il s’agit d’une énonciation et non d’une dénonciation » – Céline Poblome, « le patriarcat est le nom d’un malaise bien réel.[…] La psychanalyse offre un discours là où il n’y a plus que le discours de la science » qui forclot le sujet, – Thomas Van Rumst.

La Journée a eu de nombreux temps forts. Les textes se succédaient avec des abords différents. Ils tentaient de répondre à cette question « de quoi le patriarcat est-il le nom ?».

Camilo Ramirez abordait la formule contemporaine woke par sa traduction littérale réveil, sous le titre « Les nouveaux rêves de réveil absolu ». Partant du principe que « notre habitat est le rêve », il déclarait que le réveil ne peut être qu’une « furtive fulgurance en aucun cas, permanente ». Si la « militance wokiste rêve d’un réveil permanent », exigeant en cela « une vigilance permanente », son horizon est un « silence de mort » nettoyé de toute jouissance. La psychanalyse, elle, « ne procède pas du nettoyage de la jouissance ». Elle prend acte « de cet invariant pour en faire un incomparable appui ».

Jacques-Alain Miller en changeant le titre de son intervention provoquait la surprise ! Préférant le titre « Le père devenu vapeur » au titre initial « Le père harcelé », il nous a engagé dans une nouvelle perspective de la subjectivité de l’époque.

Éric Laurent a mis en valeur la contingence du père et sa place vide.

Nous ne pouvons qu’attendre la publication de ces interventions car elles proposent de nouvelles pistes pour aborder la question du patriarcat.

Nous poursuivrons notre réflexion et nous présenterons le travail qui en découle le 7 octobre avec notre Colloque, sous le titre « Papa où t’es ? ».

Marie-Josée Raybaud